CHANTER C'EST LANCER DES BALLES (blog)
Chronique de l'album LES LARMES D'OR
"Une pochette d’album et un livret sobres, élégants.
Du blanc, du noir. Comme les deux pôles de nos vies écartelées entre ombre et lumière.
Au recto l’homme est debout. (...). Barbe naissante, mains dans les poches, regard franc planté dans le nôtre. Cet homme-là ressemble fort à celui que nous connaissons dans la vie.
Au fil des pages du livret, on le découvre assis de dos sur un tabouret de scène que l’on voit plus loin accompagné des chaussures et de la veste négligemment déposée. Il pose ensuite appuyé sur le coffret de sa guitare, tête baissée, puis aux côtés de Kent, souriant, bras croisés. On le voit aussi les doigts mêlés comme en prière – une attitude que nous lui reconnaissons – tête baissée encore, enfin en plan rapproché, en légère contre-plongée, regard tourné vers le lointain, avant que la dernière page ne le présente assis sur le tabouret – de face cette fois – en contrepoint du début.
C’est un peu comme un court métrage si l’on veut bien s’y attarder. Car l’artiste a besoin d’isolement, de réflexion, de revenir à lui-même, avant de revenir faire face au public et de lui offrir ses chansons, comme autant d’étapes de sa vie intérieure.
Or cette vie personnelle n’aurait aucune chance de faire des chansons si elle ne nous concernait pas tous. C’est là le talent de Philippe, auteur des textes, et de Frédéric son frère. Nous donner à entendre un peu de nous. Nous tendre un miroir, sans concession, mais jamais sans espoir.
Du noir. Du blanc.
La musique de cet album est résolument teintée des atmosphères venues du grand Ouest américain, de ces ballades que Frédéric Bobin affectionne tellement. Les guitares, qu’elles soient acoustique, électrique, « slide » ou « weissenborn » concourent à nous émouvoir, à nous interpeller aussi avec ce petit quelque chose d’un ailleurs spatial et temporel. L’harmonica y a sa large part bien sûr, et le violoncelle s’accorde aux remous de l’âme, nous le savons bien. La basse est là, comme cœur qui bat, et la batterie s’en vient scander les moments d’intensité.
Frédéric dévoile en scène, depuis des mois, quelques unes de ces chansons réunies dans cet album. Elles trouvent maintenant leur expression aboutie, magnifiée.
(...) Mais c’est surtout la création, la poésie, la musique, qui sont les liens ténus mais têtus entre les hommes. c’est la Musique blessée qui s’élève, celles des opprimés, des vaincus, nos frères « Si tu l’entends / O mon frère/ Dans le silence de la mer/ Soulève-toi / O mon frère /Même si tu cries dans le désert ».
L’essentiel est dans le lien entre les êtres humains. Or, qui mieux que l’artiste peut le tisser ?
« Mais pour un seul poète / Qui vole vers l’azur / Mais pour un seul prophète / Qui fait trembler les murs… Tant qu’il y aura des hommes on pourra espérer ».
La première chanson, Le soir tombe, son bilan mélancolique s’achève ainsi « J’ai laissé au bord du sentier/ Quelques poèmes inachevés / Si tu viens les cueillir demain / Je veillerai jusqu’au matin ». Super 8 dit à peu près la même chose : J’aurai tout de même / Semé quelques graines / Dans le bleu des villes / Des mots et des notes / Qui cognent à la porte /Des cœurs en exil. Des mots et des notes pour tout bagage, des Larmes d’or…
Nous y voici à la chanson éponyme de l’album, Les larmes d’or. Nous y voici à cet alchimiste, belle image de l’artiste sans qui la vie serait si triste et qui donne sens au parcours de Frédéric Bobin sans aucun doute possible."
Claude Fèvre
> Lire l'article intégral
|